Madame Butterfly

Pour préparer votre soirée, écoutez les plus beaux passages de cet opéra mythique, qui bouleverse chaque auditeur depuis plus de 100 ans. Vous plongerez dans l'histoire vraie et cruelle d'une femme, prise dans les tourments de l'histoire.

Pinkerton, un officier de la Marine américaine, épouse une jeune geisha de 15 ans, Cio-Cio-San. Une fois sa mission terminée au Japon, il retourne aux États-Unis pendant trois ans durant lesquels Cio-Cio-San accouche de leur fils et se dévoue à l’éducation de ce dernier en attendant que son mari revienne. Malgré les efforts de sa gouvernante pour lui faire entendre raison, la jeune mère refuse d’admettre qu’elle a été abandonnée. Lorsque Pinkerton revient enfin, il est marié avec une autre femme et souhaite reprendre son fils. Cio-Cio-San accepte et se donne la mort. L’opéra s’achève sur les regrets de Pinkerton découvrant la défunte, horrifié par les conséquences de ses choix…

L’ouverture forcée du Japon, en 1853 après plus de 200 ans d’isolement complet, entraîna un déferlement d'étrangers dans tous les grands ports du pays. Les lois japonaises sur le mariage et le divorce étant particulièrement souples et favorables aux hommes, les unions temporaires se multiplièrent et avec elles leurs issues parfois dramatiques. Car Madame Butterfly est inspirée d’une histoire vraie, celle de Tsuru Yamamuri, jeune geisha ayant épousé un officier américain à Nagasaki. Elle fut adaptée de nombreuses fois en roman, nouvelle ou pièce de théâtre.

L’inspiration de Puccini vient de la nouvelle de John Luther Long, Madame Butterfly, écrite en 1898 et de son adaptation au théâtre par David Belasco. Mais bien que Luther Long prétende que l’histoire lui a été rapportée par sa sœur, dont le mari était en mission à Nagasaki, le récit provient bien du roman Madame Chrysanthème de Pierre Loti, publié 11 ans auparavant. 

La différence notable entre les deux histoires tient dans la personnalité de la figure féminine : si Madame Butterfly est dépeinte comme une geisha timide et soumise, Madame Chrysanthème a les traits d’une femme dominante et autoritaire, à l‘image des stéréotypes de la femme asiatique de l’époque. 

Puccini travailla avec soin ses mélodies pour les mettre aux couleurs de l’Asie. Pour la musique, il se fit aider par Madame Ovama, épouse de l’ambassadeur du Japon à Rome. Le compositeur étudia aussi des partitions venues de Tokyo et des transcriptions de chansons japonaises traditionnelles, grâce auxquelles il put se forger sa propre conception des harmonies japonaises. 

Le thème principal de l’aria de Cio-Cio-San ‘Io Seguo Il Mio Destino’ repose sur les mélodies d’une boîte à musique jouant des airs chinois, originellement appelées ‘Shiba Mo’ (‘Les 18 Touches’), une chanson érotique à l’époque interdite en Chine. On retrouve l’humour particulier de Puccini qui attribue cet air à une geisha…

La création de l’œuvre fut une surprise amère pour Puccini, qui avait affronté de nombreux obstacles avec optimisme. Les critiques furent interdits d’assister à la générale et les interprètes ne pouvaient pas emporter leurs partitions, ce qui déplut au public et entraîna un fiasco total à la première le 17 février 1904. Les réactions furent négatives, certains évoquant l’accident de voiture de Puccini pour expliquer son manque d’inspiration et d’autres l’accusant de répéter des airs de La Bohème. En disgrâce, il dut retirer sa partition. 

Meurtri mais convaincu de son chef-d’œuvre, Puccini retravailla la partition. Trois mois plus tard, la version revisitée fut un succès phénoménal au Teatro Grande de Brescia. En moins de deux ans, l’opéra fut joué au Royaume-Uni et aux États-Unis. Puccini continua de modifier son œuvre jusqu’à la cinquième et dernière version, celle qui fait aujourd’hui référence. 

Dans cet opéra qui nous plonge dans la vie d'une femme désespérée d'un amour non réciproque, brisée par les contraintes sociales de son époque, des violences toujours d'actualité, Puccini atteint ainsi le cœur de son identité artistique – nous rappelant le plaisir vrai des larmes.