En février 1923, en réponse à une lettre du peintre Ignacio Zuloaga, qui lui décrivait le grand succès remporté par son ballet L’Amour sorcier à Paris, Manuel de Falla résuma de façon saisissante l’impact de Paris sur sa carrière et son langage musical : “[…] pour tout ce qui se rapporte à mon métier, ma patrie c’est Paris”.
Peut-être est-ce parce que le Paris de la Belle Époque a su comme nul autre faire rayonner les arts musicaux et visuels, avec la danse à la confluence de ces deux pôles...
Or nul n’a su exemplifier les passerelles entre ces trois formes artistiques que le peintre Edgar Degas (1834-1917), qui fameusement prit pour sujet de prédilection la fécondité incroyable de la vie musicale et chorégraphique de son époque, tant dans ses célèbres toiles que dans les estampes présentées dans cette exposition, véritables “instantanés” du bouillonnant monde culturel parisien du tournant du siècle.
Dans cette playlist, nous vous invitons à découvrir en musique cette extraordinaire prolixité : Prélude à L’Après-midi d’un faune (1891-1894) et Pelléas et Mélisande (1893-1902) de Debussy, Ariane et Barbe-Bleue (1899-1907) de Dukas, Daphnis et Chloé (1905-1912) de Ravel, Le Sacre du printemps (1911-1913) de Stravinsky et Parade (1917) de Satie...
L'entre-deux guerres n’allait ensuite pas démentir cette profusion : Paris assista en effet à la création d’œuvres telles que Socrate (1917-1918) de Satie, La Valse (1919-20) de Ravel, Les Noces (1923) de Stravinsky, Les Tréteaux de maître Pierre (1919-1923) et le ballet L’Amour sorcier (1925) de Falla et le Boléro (1928) de Ravel.
Sans surprise, cette sélection fait notamment la part belle à la musique de ballet. Un personnage emblématique, à l’origine des ballets Daphnis et Chloé, Le Sacre du printemps et Parade, mais aussi de Jeux (1912-13) de Debussy, fera bientôt son apparition : il s’agit de Sergueï Pavlovitch Diaghilev (1872-1929), l’un des plus grands impresarios du XXe siècle. Il organisa en 1907 cinq concerts de musique russe à Paris, et présenta en 1908 un montage spectaculaire de l’opéra Boris Godounov de Moussorgsky, au Théâtre national de l’Opéra de Paris, avec Féodor Chaliapine dans le rôle-titre. En 1909 et 1910 il organisa au Théâtre du Châtelet des saisons d’opéras et de ballets russes qui furent la base de la fondation en 1911 de sa propre compagnie, les légendaires Ballets russes qui jusqu’en 1929 représentèrent l’une des périodes les plus brillantes de l’histoire du ballet et de sa fusion avec les autres arts.
Imprégnez-vous de la délicieuse atmosphère artistique de cette période charnière de tous les points de vue, tissant de nombreux liens entre les formes artistiques, mais aussi entre les courants et les époques. Car si les oeuvres de Ravel et de Debussy préfigurent sans doute la modernité du XXe siècle, les estampes de Degas ne regardent-elles pas du côté de la photographie ?
Nous vous souhaitons de riches découvertes artistiques.