Les grands mythes de la littérature ne sont pas les seules sources d’inspiration pour les récits chorégraphiques. L'Histoire, avec ses événements marquants et ses personnages emblématiques, a également nourri l’art du ballet. Les récits historiques apportent une profondeur et une authenticité aux œuvres chorégraphiques, faisant appel à l'imagination des spectateurs tout en les ancrant dans des réalités tangibles.
Par exemple, Le Rouge et le Noir, adapté par Pierre Lacotte d'après le célèbre roman de Stendhal, et Les Enfants du Paradis, chorégraphié par José Martinez d'après le film emblématique de Marcel Carné, sont des œuvres qui dépeignent des époques et des contextes sociaux spécifiques.
Le Rouge et le Noir raconte l'histoire de Julien Sorel, un jeune homme ambitieux qui tente de gravir les échelons sociaux dans la France post-napoléonienne. Ce ballet explore les thèmes de l'amour, de l'ambition et de la trahison, mettant en lumière les tensions sociales et politiques de l'époque. Pierre Lacotte, à travers sa chorégraphie, capture l'essence des personnages de Stendhal tout en donnant vie aux subtilités de l'intrigue.
Les Enfants du Paradis se déroule dans le Paris du 19ème siècle, autour des amours et des rivalités des artistes du boulevard du Crime. Ce ballet, inspiré du film de 1945, explore les relations complexes entre les personnages principaux : Garance, Baptiste, Frédérick et Lacenaire. José Martinez utilise la danse pour traduire les émotions profondes et les dilemmes des personnages, tout en retranscrivant l'atmosphère unique du Paris de cette époque.
Les Flammes de Paris (pistes 1-2) est un ballet épique qui plonge les spectateurs au cœur de la Révolution française. Chorégraphié par Vasily Vainonen et mis en musique par Boris Asafiev, ce ballet retrace les événements tumultueux de 1789 à travers les histoires entrelacées de personnages fictifs et historiques. Les scènes de foule impressionnantes et les moments dramatiques capturent l'esprit révolutionnaire et le combat pour la liberté, faisant de ce ballet une fresque historique captivante.
Kenneth MacMillan a chorégraphié Mayerling, un ballet dramatique basé sur les événements entourant le double suicide de l'archiduc Rodolphe d'Autriche et de sa maîtresse, Mary Vetsera, à Mayerling en 1889. Avec la musique de Franz Liszt (pistes 3-4), arrangée par John Lanchbery, ce ballet explore les thèmes de la passion, de la politique et de la tragédie. Il offre une vision intime de la vie mouvementée de l'archiduc, tout en mettant en lumière les tensions et les conflits au sein de la cour austro-hongroise.
Angelin Preljocaj, dans Ce que j'appelle oubli, s'inspire quant à lui d'un fait divers tragique en France où un homme est mort après une altercation avec la police dans un supermarché. Avec une musique de Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel du groupe Air (pistes 5-6), ce ballet aborde les thèmes de la violence, de l'injustice et de l'humanité. La chorégraphie de Preljocaj traduit la brutalité et l'émotion de cette histoire contemporaine, offrant une réflexion poignante sur la société moderne.
Les ballets peuvent également être des biographies dansées, explorant les vies de figures historiques ou artistiques. Ivan le Terrible, chorégraphié par Yuri Grigorovich sur une musique de Sergei Prokofiev (pistes 7-8), raconte la vie du tsar Ivan IV de Russie, explorant sa montée au pouvoir et les intrigues de son règne. Spartacus, également chorégraphié par Grigorovich, met en scène l'histoire du célèbre gladiateur thrace qui mena une révolte contre l'Empire romain, avec une musique épique d'Aram Khachaturian (pistes 9-10).
Nijinsky, chorégraphié par John Neumeier, est une biographie dansée de Vaslav Nijinsky, l'un des danseurs les plus célèbres du début du 20e siècle. Utilisant des musiques de Frédéric Chopin, Dmitri Chostakovitch (tracks 11-12) et Carl Maria von Weber, ce ballet explore la carrière fulgurante de Nijinsky, ses œuvres emblématiques et sa descente dans la folie. Noureev, un autre ballet biographique, retrace la vie du légendaire danseur Rudolf Noureev, capturant ses triomphes artistiques et ses luttes personnelles.
Certains ballets fondent la fiction et la réalité, créant des œuvres où faits historiques et imaginaires se mêlent harmonieusement. Proust ou les Intermittences du cœur de Roland Petit, par exemple, combine les écrits de Marcel Proust à des éléments fictifs, avec une musique de Beethoven, Debussy et Fauré (pistes 13), explorant les thèmes de la mémoire et de l’amour. De même, Illusions – Like Swan Lake de John Neumeier fusionne le conte de fées du Lac des Cygnes (pistes 14-15) avec la vie du roi Louis II de Bavière. À travers cette fusion, Neumeier crée une œuvre unique qui brouille les frontières entre le réel et le fantastique et transporte le public dans un monde où l’histoire et le merveilleux se rencontrent.
Les deux ballets plongent dans des thèmes existentiels : Petit explore les paysages psychologiques des personnages de Proust, tandis que Neumeier utilise l'évasion du roi Louis dans la représentation du Lac des Cygnes pour illustrer son désir de rédemption et de paix. Cette approche réinvente non seulement les récits historiques, mais utilise aussi le langage de la danse pour explorer des expériences émotionnelles et psychologiques profondes.
Les ballets inspirés par l’histoire ravivent des récits profondément ancrés dans notre passé commun, les transformant en quelque chose d’à la fois lointain et immédiat. Qu’il s’agisse d’épopées historiques, de biographies dansées ou d’œuvres qui mêlent faits réels et fiction, ces spectacles allient narration riche et profondeur émotionnelle, parlant à nos expériences humaines les plus universelles. En s’inspirant d’événements réels, les chorégraphes créent des œuvres intemporelles qui résonnent avec les spectateurs d’aujourd’hui tout en rendant hommage au passé. Après tout, rien n’est plus fascinant ou choquant que la réalité elle-même, où les histoires les plus extraordinaires naissent souvent de la vérité.
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Titre : Valentine Colasante (Mitzi Caspar) - Hugo Marchand (Prince Rodolphe)
Copyright : Ann Ray / Opéra national de Paris