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Un mondain solitaire, un célibataire réservé qui composa une musique passionnée... Ravel a vécu une vie de paradoxes.
« Ce qu’on appelle parfois mon insensibilité, c’est simplement un scrupule de ne pas faire n’importe quoi » - Maurice Ravel
Ravel est un homme moderne. Il est coquet, chic et ne dédaigne pas l’apparat des grandes soirées parisiennes. S’il aime flâner dans ces atmosphères mondaines, il garde toutefois une mesure et un sérieux irréprochable.
Il préfère en effet s’isoler à la campagne. Tout dans sa maison rappelle les traits d’une organisation quasi obsessionnelle : refusant de divulguer ses ébauches, il recopie minutieusement toutes les partitions originales de ses œuvres.
Discret, mais engagé, fumeur impénitent et d’une élégance impeccable, Ravel monte très vite dans le rang des grands compositeurs français.
« Dans sa vie Ravel fut aussi paradoxal que dans sa musique » - Michel Philippot
En 1900, il se joint à un groupe d’artistes et d’intellectuels qui porte le nom des « Apaches » et dont les activités touchent à toutes les formes d’art. C’est grâce à ce groupe, qui cessera d’exister en 1914, que Ravel rencontre notamment Erik Satie, Jean Cocteau, André Gide, Paul Valéry, Igor Stravinski, Nijinski et Serge Diaghilev. S’il aimait fréquenter ces grandes personnalités, c’est dans une maison reculée de Montfort-l’Amaury que l’artiste compose tous ses principaux chefs-d’œuvre.
Ironiquement, l’incident qui marqua le début de sa décennie la plus prolifique, fut en 1905 lorsque pour la troisième fois on lui refusa le Prix de Rome. Théodore Dubois, alors directeur du Conservatoire, le considérait comme un dangereux révolutionnaire. Ravel fit mine de détachement au cours de ce qu’on appellera dorénavant « l’affaire Ravel ».
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il persiste à participer à l’effort de guerre en dépit de son physique malingre (il mesurait un mètre soixante). Il sera ainsi chauffeur d’un camion qu’il surnomme Adelaïde, du même nom que son ballet composé en 1912. Paradoxalement, il refuse cinq ans plus tard la Légion d’Honneur alors qu’il accepte volontiers les récompenses étrangères.
On ne lui connaissait aucune relation amoureuse, on le voyait très discret. Il y a chez lui un contraste flagrant entre sa vie de célibataire et sa musique aux sensualités folles, entre sa discrétion légendaire et son engagement politique : lui-même disait que c’était un homme « pas fait pour causer ». Sa vie ne fut que musique et le reste futilités.
Ravel dans son uniforme en 1916.
Aujourd’hui, Ravel est connu mondialement pour son Boléro qu’il composa en 1928.
Si on compte de nombreuses interprétations de l’œuvre, Ravel insiste sur le fait qu’elle “doit être jouée dans un seul tempo, dans le style plaintif des musiques arabo-espagnoles”. Le même thème est ainsi répété d’abord par un tambourin et une flûte, puis progressivement par l’intégralité de l’orchestre symphonique dans des combinaisons diverses et d’une ingéniosité phénoménale.
C’est cet effort et cette constance qui confèrent à l’œuvre un caractère aussi spécial : imaginez battre le même rythme pendant 20 minutes sans perdre votre concentration, ni votre minutie. Le cinéaste Jacques Villeret capture superbement cette difficulté dans son court métrage, ‘Le Batteur du Boléro”, où il illustre la lassitude d’un percussionniste jouant l’œuvre.
Mais au-delà de son Boléro, Ravel marqua la musique avec un style bien à lui.
En maniant l’art du crescendo et du dénouement, il arriva à condenser un ensemble d’émotions dans un temps extrêmement réduit : sa musique ne laisse pas de répit à l’auditeur, elle le plonge plutôt dans un monde fantastique. L’immersion est aussi totale que son dénouement en est brutal.
La Valse poème chorégraphique est un bon exemple de sa signature. Composée après la Première Guerre Mondiale, il nous y présente sa version déconstruite de la valse viennoise que Strauss nous a habitué à entendre. Dans la partition on retrouve ainsi une idée d’affrontement entre le mouvement de valse et son absence. Il y entrechoque des bribes de mélodies qui se précipitent finalement vers un dénouement inéluctable. Certain y voient une analogie à une société qui avait préféré se réfugier dans des fêtes illusoires, plutôt que de faire attention au spectre d’une guerre certaine.
Contrairement à d’autres compositeurs, Ravel garda tout au long de sa vie une forme de constance dans son style. Là où chez certains, comme Beethoven par exemple, on observe une évolution stylistique parallèle à celle de leur vie, Ravel resta fidèle à ses idées : il rêve de sonorités inouïes et d’un orchestre neuf. Il fut par exemple très influencé par les origines hispaniques de sa mère que l’on retrouve notamment dans sa Rapsodie Espagnole ou bien ses Miroirs.
Longtemps, le snobisme a voulu faire de lui le grand rival de Debussy. Ce dernier aurait découvert des nouvelles gammes et Ravel aurait su mieux les exploiter ? Non, il n’y a pas de comparaison valable, l’un et l’autre se sont en fait complétés.
La pianiste Yvonne Lefébure disait justement : « Si Debussy n’avait pas existé alors Ravel aurait été un autre musicien ». Ainsi Ravel voulut humblement que l’on joue Prélude à l’après midi d’un faune de Debussy pour ses propres funérailles. C’est là toute l’élégance du compositeur et qui en somme lui confère une personnalité si attachante.
Prenez le temps de vraiment écouter Ravel. Sa musique interpelle l’auditeur dans ce qu’il a de plus intime et secret.